Les Kurdes veulent renégocier avec les chiites, colère anti-jordanienne

BAGDAD, 14 mars (AFP) - 8h24 - Les dirigeants kurdes irakiens exigent la révision de l'accord avec les chiites sur la formation du prochain exécutif, tandis que des chiites ont manifesté pour exprimer leur colère contre Amman après l'attentat sanglant de Hilla dont l'auteur était jordanien selon la presse.Il y a de grands progrès, mais le projet d'accord nécessite une réécriture et la participation d'autres forces politiques aux négociations pour former un gouvernement et en élargir la base, a déclaré dimanche Fouad Maassoum, président du Conseil national, l'Assemblée provisoire, impliqué dans les tractations, après une rencontre des négociateurs kurdes avec leurs principaux dirigeants à Salaheddine, à 370 km au nord de Bagdad.

"Il y a eu des objections au projet d'accord, nous allons retourner à Bagdad avec un esprit ouvert pour parvenir à un accord avec l'Alliance irakienne unifiée (AUI, chiite, majoritaire) et les autres partis", a indiqué en outre le vice-président irakien Roj Nouri Shawis, un des négociateurs.

L'élection par les deux tiers des députés d'un Conseil présidentiel de trois membres, qui choisit à l'unanimité le Premier ministre, oblige l'AUI, soutenue par une majorité d'au moins 146 députés sur 275, à nouer des alliances. Le groupe kurde est le deuxième au Parlement, avec 77 députés.

"Les négociations n'ont pas été rompues et nous allons examiner dans les prochains jours la répartition des postes ministériels", a précisé un autre négociateur, le ministre des Affaires étrangères Hoshyar Zebari.

Interrogé sur la ville pétrolière de Kirkouk, dont les Kurdes réclament le rattachement à leur région autonome, M. Maassoum a répondu: "L'accord s'est fait sur certains points, mais d'autres doivent être discutés".

Les violences se sont poursuivies dans le nord et le centre du pays dimanche, faisant 18 morts au total. Lundi matin, un nouveau responsable irakien a été la cible d'une attaque. Saad al-Ameli, le directeur général du ministère de la Santé, est sorti indemne d'un attentat à la bombe qui a blessé quatre de ses gardes du corps.

Par ailleurs, un Saoudien appartenant au groupe du Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui, chef du réseau terroriste Al-Qaïda en Irak, a été arrêté dimanche par l'armée alors qu'il s'apprêtait à attaquer une base militaire près de Kirkouk à bord d'une voiture piégée avec plus de 100 kg d'explosifs, selon le général irakien Anouar Hamad Amine.

La police irakienne a aussi annoncé l'arrestation de quatre "terroristes arabes" dans une maison à Chorgat, à 300 km au nord de Bagdad.

Des centaines de chiites irakiens sont descendus dimanche dans la rue à Bagdad et dans la ville sainte de Kerbala pour exprimer leur colère contre la Jordanie après avoir lu dans la presse que l'auteur de l'attentat sanglant de Hilla, ayant fait 118 tués fin février, était un Jordanien.

"Fermez votre ambassade, nous ne voulons plus de Jordaniens!", ont crié les manifestants devant les grilles de l'ambassade jordanienne dans l'ouest de Bagdad, gardée par des soldats américains.

La Jordanie a condamné l'attentat, le plus meurtrier en Irak depuis la chute de Saddam Hussein en avril 2003, et souligné son attachement aux liens entre les deux pays voisins.

"Nous condamnons cet acte et nous condamnons ce que la famille (du kamikaze présumé Raëd al-Banna) a fait", a indiqué à l'AFP le chef de la diplomatie jordanienne Hani Moulki.

Selon les informations de la presse irakienne, la famille du Jordanien a organisé une cérémonie dans sa maison de Salt, près d'Amman, où elle aurait reçu des condoléances ainsi que des félicitations de ses proches pour le "martyre" de Raëd al-Banna à Hilla.

Dans le dossier des otages, le directeur du quotidien français Libération Serge July a lancé dimanche un appel aux ravisseurs de la journaliste Florence Aubenas et de son guide irakien Hussein Hanoun, enlevés le 5 janvier en Irak, pour qu'ils entament des négociations avec l'ambassade de France.

"Je veux profiter de ma présence à Bagdad pour lancer aux ravisseurs de Florence Aubenas et Hussein Hanoun un appel pour qu'ils engagent immédiatement des négociation avec l'ambassade de France", a déclaré M. July à des chaînes de télévisions irakiennes.

Enfin, l'hebdomadaire américain Time Magazine, citant des déclarations attribuées à un ancien adjoint du représentant d'Al-Qaïda en Irak, affirme que Zarqaoui prépare des attaques contre des "cibles faciles" aux Etats-Unis, telles que des "salles de cinéma, restaurants et écoles".

Les déclarations évoquées par Time sur son site internet, citées dans une note aux agences de sécurité américaines, interviennement deux semaines après que des informations des services de renseignement eurent confirmé que le chef d'Al-Qaïda, Oussama ben Laden, avait envoyé un message au Jordanien Zarqaoui l'appelant à lancer des attaques sur le sol américain.